19/09/2013
Céline Minard : Faillir être flingué
Céline Minard, née à Rouen en 1969, est un écrivain français. Après avoir étudié la philosophie elle se lance dans l’écriture. On lui doit déjà plusieurs romans comme Le Dernier Monde (2007), Bastard Battle (2008), Olimpia (2010) et So long Luise (2011). Faillir être flingué vient de paraître.
« Le chariot n’en finissait plus d’avancer. La grand-mère à l’arrière criait de toutes ses forces contre la terre et les cahots, contre l’air qui remplissait encore ses poumons. » Ainsi débute le dernier roman de Céline Minard, une épopée sauvage au cœur du Far-West, ce territoire immense propice au romanesque qu’on pensait propriété intellectuelle exclusive des écrivains américains. Le thème semblait casse-gueule pour un écrivain français et pourtant, la dame s’en sort avec les félicitations du jury.
Magistralement construit, le roman est à priori une succession de scènes ou d’histoires dépareillées où chacune met un scène un ou deux personnages différents, mais au fil de la lecture on s’aperçoit que tout se tient par des liens rendus évidents à postériori. Tous ces personnages agissent et interagissent dans un mouvement d’ensemble qui les mènent vers la petite ville qui se construit, première étape du monde moderne qui s’ébauche.
Nous ferons ainsi connaissance avec Eau-qui-court-sur-la-plaine, une Indienne dont le clan a été décimé, et qui, depuis, exerce ses talents de guérisseuse auprès des Blancs comme des Indiens, les frères Jeff et Brad McPherson qui traversent la plaine avec leur vieille mère mourante dans un chariot tiré par des bœufs, la très jeune Xiao Niù, qui comprend le chant du coyote. Ou bien encore Elie poursuivi par Bird Boisverd, Arcadia Craig une contrebassiste et j’en passe !
Toutes les scènes de westerns vues au cinéma ou à la télévision sont ici compilées dans l’ouvrage et il s’en faut de peu que les visages de nos acteurs favoris, le Dustin Hoffman de Little Big Man par exemple, ne viennent se superposer aux héros imaginés par l’écrivain. Attaque de banque, scalps, bagarres de saloon et entraineuses, règlement de compte final, Indiens et chasseurs de primes, scène de barbier dans son échoppe, tout est présent dans ces plus de trois cents pages.
L’écriture très fluide de Céline Minard emballe l’affaire avec maestria et sait nous faire ressentir les émotions primitives de ses héros (Bird Boisverd seul dans une grotte et sans ressources, Eau-qui-court et ses rites chamaniques) ou leurs péripéties dans l’Ouest sauvage dignes des romans de Nature Writing des plus grands. Moi qui vénère ce genre, j’avoue avoir été bluffé par ce bouquin écrit par « une petite française » qui y ajoute sa patte, faite d’un humour subtile ou carrément cocasse.
Un grand roman d’évasion, un roman complètement épatant, un roman à lire évidemment.
« Quand il revint, Josh était allongé sur un lit de camp à peine taché et bordé jusqu’au menton dans une couverture de bonne laine. Il était pâle et agité. Cristophia informa Zébulon qu’il trouverait dans la grand-rue un barbier qui savait s’y prendre avec les plaies et qu’en cas d’échec, il ne lui resterait qu’à tenter le diable avec les herbes d’une métisse canadienne qui passait en ville les jours de marché. Zeb remercia et paya le supplément en se demandant pour quelles raisons au juste il s’était chargé de cet homme blessé aux trois quarts délirant alors qu’il n’aurait pas levé le petit doigt pour sauver la moitié du vieux continent. Et pendant qu’il y était, il se remit en route à la recherche du barbier. »
Céline Minard Faillir être flingué Rivages
Emission Les Bonnes feuilles sur France Culture :
09:46 Publié dans Français | Tags : céline minard | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |